Le 1er juillet 2025 restera une date marquante pour le Sénat américain, qui a adopté, au terme d'un vote des plus serrés, le « One Big Beautiful Bill Act » (OBBB). Ce projet de loi colossal, passé à une voix près grâce au vote décisif du vice-président JD Vance, redessine en profondeur le paysage social et fiscal des États-Unis.
Au cœur de ce texte se trouvent quatre réformes majeures. D'une part, il prolonge une partie des importantes baisses d'impôts mises en place en 2017 et alloue près de 150 milliards de dollars à la sécurité des frontières et à la défense nationale. D'autre part, et c'est là que le bât blesse, il opère des coupes budgétaires massives dans des programmes sociaux essentiels, notamment l'aide médicale (Medicaid) et le programme d'aide alimentaire (SNAP), tout en réduisant les crédits destinés aux énergies propres.
Les programmes sociaux sont la cible des changements les plus drastiques et les plus controversés. Medicaid pourrait subir des coupes de 600 à 800 milliards de dollars sur dix ans. Pour y parvenir, le projet de loi impose de nouvelles conditions de travail strictes, obligeant les adultes sans enfant ou handicap à travailler au moins 80 heures par mois. Il instaure également des vérifications d'éligibilité tous les six mois, un fardeau administratif qui risque d'exclure de nombreux bénéficiaires. De plus, le texte interdit le financement de certains services de santé, comme les soins liés à la transition de genre ou ceux proposés par les centres Planned Parenthood.
Le programme d'aide alimentaire SNAP n'est pas en reste, puisqu'il fait face à la plus grande réduction de son histoire, estimée entre 267 et 300 milliards de dollars. Les exigences de travail sont étendues aux adultes jusqu'à 64 ans et aux parents de jeunes enfants. De plus, une partie des coûts sera désormais transférée aux États, qui devront assumer jusqu'à 25 % des prestations et 75 % des frais administratifs.
Présentées comme des mesures pour encourager le retour à l'emploi et lutter contre la fraude, ces réformes sont vivement critiquées par de nombreux experts. Ils y voient une machine à creuser les inégalités, piégeant les plus vulnérables dans des lourdeurs administratives qui les priveraient de leurs droits. Selon les estimations du Commonwealth Fund, près de 11 millions de personnes pourraient perdre leur assurance santé et 4,7 millions de bénéficiaires leur accès à l'aide alimentaire. Plus alarmant encore, des spécialistes de la santé publique anticipent une augmentation dramatique de la mortalité, avec 8 200 à 24 600 décès supplémentaires chaque année en raison de la perte d'accès aux soins.
Le débat a également fait rage autour de plusieurs amendements. Certains ont été retirés car jugés non conformes aux règles budgétaires du Sénat, comme l'interdiction pour les États de réguler l'intelligence artificielle. Cependant, d'autres dispositions très contestées ont été maintenues, cristallisant les tensions idéologiques.
L'opposition au projet de loi est large et diverse. Elle vient des rangs républicains modérés, inquiets de l'explosion du déficit, mais aussi des démocrates, qui dénoncent un impact social dévastateur. Des organisations de défense des droits, des associations médicales et même des personnalités comme Elon Musk ont alerté sur les conséquences dramatiques de ces réformes, qui menacent les familles, les seniors, les enfants et les communautés les plus fragiles.
Malgré la controverse, le texte a été adopté par le Sénat et se dirige maintenant vers la Chambre des représentants pour une éventuelle révision. Son avenir reste incertain, mais il incarne déjà la fracture profonde qui divise l'Amérique sur le rôle de l'État, le contrôle des dépenses publiques et la protection sociale, annonçant des débats agités à l'approche des élections de mi-mandat de 2026.