Mark Carney triomphe : les libéraux remportent un quatrième mandat minoritaire dans une élection marquée par les tensions canado-américaines
Par Anthony Levesque
29 avril
OTTAWA – Dans une élection marquée par une montée inattendue du nationalisme canadien et un regain d’intérêt pour la stabilité économique, Mark Carney et le Parti libéral du Canada ont remporté un quatrième mandat consécutif, formant un gouvernement minoritaire avec 168 sièges. Ce résultat inattendu survient après une campagne électorale polarisée, où les tensions avec les États-Unis, exacerbées par le retour de Donald Trump à la présidence, ont dominé les débats.
Une victoire contre toute attente
Lorsque la campagne électorale a débuté au début de l’année 2025, les sondages donnaient une avance confortable au Parti conservateur dirigé par Pierre Poilievre. Les libéraux semblaient en déclin, victimes d’un mécontentement généralisé lié au coût de la vie, à la crise du logement et aux impacts persistants de la pandémie sur l’économie.
Mais Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, a mené une campagne méthodique, axée sur l’expertise économique, la compétence technocratique et un message fort de défense de la souveraineté canadienne. Il a su rallier des électeurs modérés inquiets de la montée du populisme et de l’instabilité géopolitique.
Le facteur Trump : catalyseur inattendu
L’un des tournants majeurs de cette élection a été l’intervention répétée du président américain Donald Trump dans la campagne. En mars, Trump a menacé d’imposer de nouveaux tarifs douaniers sur l’aluminium et le bois d’œuvre canadiens, affirmant que le Canada « trichait » sur les accords commerciaux. Ces déclarations ont provoqué une vague de réactions indignées au nord de la frontière, redonnant une pertinence inattendue aux thèmes de souveraineté et de défense des intérêts nationaux.
Dans ce contexte, Carney est apparu comme l’homme de la situation. Lors d’un débat télévisé décisif, il a promis de « négocier avec Washington selon nos propres termes », une déclaration qui a trouvé un écho favorable auprès d’un électorat désireux de voir le Canada affirmer son autonomie.
Pierre Poilievre perd son siège
Malgré une performance vigoureuse durant la campagne, Pierre Poilievre a vu son Parti conservateur perdre du terrain dans les dernières semaines. La rhétorique agressive du chef conservateur, perçue comme trop proche de celle de Trump, a inquiété les électeurs centristes, notamment dans les banlieues de Toronto, Vancouver et Montréal. Le coup de théâtre est venu de sa propre circonscription de Carleton, où il a perdu son siège face à une candidate libérale novice, mettant son avenir politique en péril.
Dans son discours de concession, Poilievre a déclaré : « Je suis fier de notre campagne et de nos principes. Mais je respecte la volonté du peuple canadien. » Il n’a pas annoncé sa démission, mais des sources internes indiquent que des pressions s’exercent déjà au sein du caucus pour un renouvellement du leadership.
Le NPD et les verts marginalisés, le Bloc stabilisé
Le Nouveau Parti démocratique (NPD), autrefois en position d’arbitre en Chambre, a subi une déroute historique. Son chef Jagmeet Singh a perdu son siège et a immédiatement annoncé son départ de la vie politique. Les électeurs ont semblé rejeter l’approche du NPD jugée trop floue sur les enjeux économiques et diplomatiques, à un moment où les Canadiens recherchaient fermeté et clarté.
Le Parti vert n’a obtenu que 2 sièges, malgré une campagne ambitieuse sur les enjeux climatiques. Le Bloc québécois, quant à lui, a maintenu sa position avec 23 sièges, confirmant sa solidité au Québec, bien que sans réelle percée.
Une carte électorale redessinée
Le Parti libéral a réalisé des gains significatifs dans les Maritimes, en Colombie-Britannique et en Ontario, tandis que les conservateurs ont conservé leurs bastions dans les Prairies et en Alberta. Le Québec est resté partagé, avec un net avantage au Bloc dans les régions rurales et aux libéraux dans les centres urbains.
La participation électorale, estimée à 68,7 %, est en hausse par rapport à 2021, signe d’un regain d’intérêt pour la politique, notamment chez les jeunes électeurs.
Et maintenant ?
Mark Carney a promis un gouvernement axé sur la stabilité économique, la défense de la souveraineté canadienne et la lutte contre les inégalités. Dans son discours de victoire prononcé à Ottawa, il a déclaré :
« Les Canadiens ont parlé. Ils veulent un leadership responsable, une économie forte et un pays respecté sur la scène internationale. Nous les avons entendus. »
La formation d’un gouvernement minoritaire signifie que les libéraux devront négocier au cas par cas pour faire adopter leurs projets de loi. Carney pourrait se tourner vers les néo-démocrates ou même certains bloquistes pour former des alliances ponctuelles sur des dossiers clés, notamment l’environnement et le logement.
Les défis à venir
La tâche qui attend Carney est colossale. Il devra :
Répondre aux tensions commerciales croissantes avec les États-Unis ;
Lancer un plan ambitieux de construction de logements abordables ;
Stabiliser l’économie tout en maintenant l’inflation sous contrôle ;
Répondre aux attentes croissantes en matière de justice sociale et climatique.
Les marchés ont bien réagi à sa victoire, le dollar canadien gagnant 0,4 % face au dollar américain dès le lendemain de l’élection. Toutefois, les analystes préviennent que les incertitudes géopolitiques pourraient compliquer la tâche du nouveau gouvernement.
Conclusion
L’élection fédérale de 2025 restera dans les annales comme un tournant. Elle marque le retour d’un libéralisme plus technocratique, incarné par Mark Carney, face à une opposition conservatrice affaiblie et un paysage politique fragmenté. Si les libéraux sont parvenus à convaincre une majorité relative de Canadiens de leur capacité à gouverner, la suite dépendra de leur aptitude à rassembler, à écouter et à innover dans un monde en constante mutation.