Le débat des chefs 2025
Une partie de hockey du Canadien de Montréal a réussi à déplacer le débat des chefs. Cependant, le match du Canadien a commencé avant la fin du débat. Donc, si vous n’avez pas pu visionner le débat, nous allons vous le résumer dans cet article.
Un débat sans les Verts
Tout d’abord, une nouvelle a perturbé la sphère politique à quelques instants du débat : le Parti vert n’a pas pu participer au débat en français. En effet, mercredi matin, à quelques heures du débat, la Commission du débat des chefs a déclaré que le Parti vert n’était plus éligible à y participer. Selon la Commission, le Parti vert ne respectait pas le nombre nécessaire de conditions pour pouvoir prendre part au débat. En vertu du règlement, il faut respecter deux des trois conditions imposées :
Avoir au minimum un député élu à Ottawa
Avoir plus de 4 % d’intentions de vote
Présenter un candidat dans 90 % des circonscriptions
C’est sur cette dernière condition que tout s’est joué. En effet, pour la Commission, le Parti vert n’a pas présenté de candidats dans 90 % des circonscriptions. Jonathan Pedneault, co-chef du Parti vert, a quant à lui déclaré que « cette décision était non seulement infondée, mais aussi antidémocratique ». Selon lui, la Commission du débat des chefs tente de faire taire le Parti vert pour protéger le statu quo et les plus puissants. La Commission a écrit dans sa lettre que cette décision porte atteinte à la liberté d’expression et au droit d’être informé pour voter dans de bonnes conditions. Il a aussi demandé la démission de la Commission du débat des chefs.
Victoire par défaut pour Carney
C’est dans un débat assez équilibré que Mark Carney ressort vainqueur. En effet, Mark Carney n’a pas été défait et a réussi son objectif : ne pas perdre de voix. Le premier ministre canadien a réussi à défendre ses objectifs et sa légitimité pour le poste. Toutefois, l’ex-directeur de la Banque centrale du Canada n’a pas non plus réussi à déstabiliser ses opposants. Cela dit, pour l’instant, les intentions de vote ne devraient pas changer. La réussite de M. Carney a été sa défense : il ne s’est pas emmêlé les pinceaux pendant le débat et est resté crédible tout du long, à l’exception du moment sur la taxe carbone. Il avait déclaré que les Québécois bénéficiaient d’un rabais sur le carbone comparativement aux autres provinces. Cependant, selon notre interprétation, il voulait plutôt dire que le Québec a longtemps payé son essence à un prix inférieur à celui des autres provinces. Cette phrase reste à vérifier, bien que la qualité du français de Mark Carney permette cette interprétation.
Un débat sans gagnant ; une défaite pour Poilievre
C’était l’une des dernières chances pour le chef du Parti conservateur du Canada de déstabiliser M. Carney et de faire bouger l’aiguille électorale, qui lui est défavorable. Selon les analystes politiques, M. Poilievre ressort perdant de ce débat.
En second lieu, le chef de l’opposition s’est montré beaucoup plus sympathique qu’à son habitude. Cela laisse penser à un changement de stratégie de la part de Pierre Poilievre, puisqu’il ne s’agit pas de la première fois qu’il apparaît plus calme et posé. Après la hausse des intentions de vote pour le Parti libéral, le Parti conservateur semble vouloir changer d’approche. Au lieu de se présenter comme un chef d’opposition martelant les erreurs des autres partis, il a adopté une posture de premier ministre, exposant son plan avec le sourire. Autre signe de changement de stratégie : il a beaucoup moins utilisé ses phrases répétées et slogans. Lors de l’entrevue « cinq chefs, une élection », il avait répété à huit reprises la phrase « Après la décennie perdue des libéraux » en trente minutes. Lors du débat des chefs, il s’est abstenu de répéter cette phrase à maintes reprises.
Pour terminer avec Poilievre, il s’est montré assez ironique envers les médias, et ce, pour deux raisons. Premièrement, M. Poilievre se dit défenseur de la liberté de la presse, mais il refuse l’entrée des journalistes dans son autobus électoral. De plus, il est le chef de parti ayant répondu au plus petit nombre de questions de la part des journalistes durant la campagne. Deuxièmement, il souhaite couper les subventions accordées à CBC News. Pour se défendre, il affirme que le gouvernement ne doit faire que ce que le marché ne fait pas. Or, le marché offre une panoplie de médias canadiens en anglais. Pour lui, CBC représente donc une dépense inutile. En revanche, il ne compte pas couper les subventions à Radio-Canada.
Jagmeet Singh à l’attaque
Hier soir, le chef du NPD a enfilé les gants de boxe dans un débat où il se devait de bien performer. Il a attaqué à maintes reprises le chef du Parti conservateur. Durant le débat, nous avons clairement pu voir qu’il était touché par les enjeux abordés, en particulier la santé. Le leader du NPD s’est même vu couper le micro par l’animateur.
M. Singh devait performer lors du débat en français pour convaincre les électeurs québécois, qu’il n’a pas su rallier depuis le début de la campagne. Selon 338 Canada, le NPD n’est en tête que dans une seule circonscription au Québec. Jagmeet Singh a donc saisi sa dernière chance en s’opposant surtout à Poilievre et à ses coupes dans les services publics.
La stratégie de Jagmeet Singh a suscité plusieurs critiques après le débat, car il a surtout concentré ses attaques sur Poilievre. Il a ainsi aidé les libéraux à réduire le nombre d’électeurs conservateurs. Toutefois, il a peut-être attaqué la mauvaise cible, puisque les électeurs conservateurs se tourneront probablement vers les libéraux, et non vers le NPD, compte tenu de leurs différences politiques. En se concentrant sur les libéraux, le NPD aurait sans doute pu récupérer davantage de voix provenant d’électeurs insatisfaits du positionnement de leur chef.
Enfin, Jagmeet Singh a commis une erreur qui pourrait lui coûter cher au Québec et au Canada. Dans un débat qu’il semblait dominer, il a dévié du sujet en parlant abondamment de la santé, au détriment de sujets concrets comme la guerre tarifaire avec les États-Unis. L’animateur a dû lui couper le micro, car il était hors sujet. Il était probablement le gagnant du débat jusqu’à ce moment-là. Cela pourrait peser lourd sur la suite de la campagne. Néanmoins, M. Singh a déclaré avoir discuté avec Patrice Roy, l’animateur du débat, et qu’il n’y avait rien de personnel entre eux.
Yves-François Blanchet favorisé par la langue
Lors du débat des chefs en français, trois des quatre chefs présents avaient l’anglais comme langue maternelle. Le chef du Bloc était donc avantagé par la langue, ce qui lui a permis de mieux s’exprimer et de paraître plus à l’aise.
Comme le nom de son parti l’indique, le Bloc Québécois a tenté de défendre les intérêts du Québec en affirmant que le Canada compte 13 économies, et non une seule. Pour lui, l’économie du Québec est trop différente de celle du reste du pays pour être gérée par le gouvernement fédéral.
M. Blanchet s’est aussi opposé aux projets d’oléoduc. Selon lui, un oléoduc coûterait des milliards de dollars aux Canadiens, mais surtout aux Québécois, qui n’en bénéficieraient pas. De plus, il a déclaré que la construction d’un oléoduc prendrait plus de dix ans, et qu’à ce moment-là, Donald Trump ne serait plus en politique. Le président qui lui succédera ne serait donc probablement pas en défaveur d’une alliance canado-américaine, contrairement à ce que Trump avait laissé entendre.
Grâce à son aisance linguistique, Yves-François Blanchet a joué le rôle d’analyste, tant par son ton que par ses commentaires. Cette attitude a déplu à certains de ses électeurs, mais elle lui a aussi permis d’en séduire d’autres au Québec.
En conclusion
Pour conclure, le débat des chefs a été assez calme et personne n’a réellement réussi à stopper l’élan des libéraux. Aucun chef n’est véritablement tombé ou n’a été déstabilisé, ce qui laisse présager une certaine continuité dans les sondages. Avant de terminer cet article, nous tenons à féliciter l’animateur du débat, M. Roy, ainsi que l’équipe d’organisation, qui ont proposé de bonnes questions. Encore une fois cette année, le débat a été réussi, avec une amélioration notable des questions et du déroulement.